Avancée dans le stockage de données ADN : l'épigénétique offre une nouvelle approche

Édité par : @Tanurya Tanurya

En 2024, au moins 149 zettaoctets de données ont été créés, capturés, copiés ou consommés, un chiffre qui devrait plus que doubler d'ici 2028, selon Statista.

Pour faire face à la croissance exponentielle de l'information, des scientifiques du monde entier s'efforcent de trouver des solutions de stockage plus efficaces et durables.

Une idée prometteuse émerge de la biologie : utiliser l'ADN, la molécule qui porte les instructions génétiques de tous les êtres vivants, comme modèle pour développer une technologie de stockage révolutionnaire.

Une étude récente publiée dans la revue Nature a introduit une approche novatrice basée sur l'épigénétique, promettant d'enregistrer des informations plus rapidement, économiquement et de manière plus stable que les méthodes traditionnelles.

L'ADN est connu pour sa capacité immense à stocker des données de manière compacte et durable : un gramme de cette molécule peut contenir jusqu'à un trillion de gigaoctets d'informations, restant intact pendant des milliers d'années dans des conditions appropriées.

Le concept d'utiliser l'ADN comme dépôt numérique a été proposé pour la première fois par le physicien Richard Feynman dans les années 1950.

Des décennies plus tard, en 2012, l'équipe du généticien George Church à l'Université de Harvard a réussi à encoder un livre de 53 400 mots dans l'ADN, démontrant la viabilité du concept.

Cependant, la méthode utilisée, appelée synthèse de novo, ajoute des nucléotides—les lettres de l'ADN : adénine (A), thymine (T), guanine (G) et cytosine (C)—un par un pour créer des séquences représentant des données binaires (0s et 1s).

Ce processus est coûteux, long et sujet à des erreurs, ce qui limite son application à grande échelle : un seul bit (ou un huitième d'octet) peut être ajouté par nucléotide.

Il est important de noter que la technologie n'utilise pas l'ADN d'une personne pour le stockage, mais plutôt des molécules produites en laboratoire, conçues exclusivement à cet effet.

Pour surmonter les limitations de la synthèse de novo, une équipe de chercheurs de Chine, d'Allemagne et des États-Unis a développé une méthode innovante utilisant l'épigénétique—le domaine scientifique étudiant les modifications chimiques de l'ADN qui n'altèrent pas sa séquence mais affectent sa fonctionnalité.

Le système créé par les scientifiques enregistre des données par un processus appelé méthylation—l'ajout de petits groupes chimiques appelés méthyles à des nucléotides spécifiques de l'ADN. Ces modifications, connues sous le nom d'épi-bits, représentent les 0s et 1s du code binaire.

Les chercheurs ont utilisé des modèles d'ADN universels et des fragments complémentaires appelés types mobiles—fonctionnant comme des pièces typographiques s'adaptant aux modèles, permettant un enregistrement précis des données.

L'enzyme DNMT1, qui réalise naturellement la méthylation de l'ADN dans les organismes vivants, a été adaptée pour imprimer les motifs de méthylation de manière programmée, transformant l'ADN en une sorte de 'bande de données.'

Dans les expériences, les scientifiques ont enregistré environ 350 bits par réaction—un nombre nettement supérieur au bit unique de la technique de synthèse de novo.

De plus, cette technologie est capable d'enregistrer des données de manière parallèle, ce qui signifie que plusieurs points de l'ADN peuvent être modifiés simultanément, contrastant avec la méthode traditionnelle qui enregistre les données de manière séquentielle, rendant le processus plus lent.

Les données ont été récupérées avec une grande précision grâce au séquençage par nanopore, une technologie capable de détecter des changements chimiques dans l'ADN et de traduire les motifs de méthylation en informations numériques.

De plus, les scientifiques ont démontré que les épi-bits étaient stables même dans des conditions adverses, comme la chaleur.

Dans un test appelé iDNAdrive, 60 volontaires sans expérience en laboratoire ont utilisé avec succès le système pour enregistrer des données, prouvant que la technique est accessible et peut être appliquée dans des environnements décentralisés.

Malgré les avancées, des barrières subsistent pour l'adoption généralisée de la technologie basée sur l'épigénétique.

Un défi consiste à améliorer les algorithmes qui détectent les motifs de méthylation, augmentant la précision et l'efficacité du processus. Un autre point est le coût initial des équipements nécessaires, tels que les plateformes de séquençage par nanopore, qui restent encore coûteuses.

Cependant, les résultats de l'étude sont prometteurs et suggèrent un avenir où l'ADN peut répondre aux demandes croissantes de données mondiales, avec un potentiel d'évolutivité pour des applications à grande échelle.

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