Une étude récente publiée dans la revue scientifique iScience révèle que les tortues sont les premiers vertébrés connus à utiliser deux mécanismes différents pour former les écailles de leur tête : l'un basé sur des signaux génétiques et l'autre purement mécanique. Cette découverte améliore notre compréhension de l'évolution et ouvre des portes à des innovations technologiques.
Traditionnellement, les structures cutanées comme les écailles, les plumes et les poils chez les vertébrés proviennent des placodes, des régions spécialisées de l'épiderme contrôlées par des signaux génétiques hautement conservés. Cependant, les crocodiles présentent une exception : leurs écailles de tête se forment par pliage physique de la peau en croissance. Des scientifiques de l'Université de Genève (UNIGE) ont maintenant découvert que les tortues combinent les deux processus, une approche sans précédent chez les vertébrés.
Grâce à la microscopie à feuille de lumière 3D et à la modélisation computationnelle, l'équipe a démontré que de simples forces physiques suffisent à générer les motifs irréguliers observés dans les écailles de tortue. Les modèles simulés, ajustant des paramètres tels que la rigidité des tissus et le taux de croissance, ont réussi à reproduire les formes écailleuses réelles observées chez différentes espèces de tortues. Cette découverte remet en question les paradigmes traditionnels de la biologie du développement.
D'un point de vue évolutif, les tortues (Testudinata) sont les plus proches parents vivants des crocodiles et des oiseaux. Le fait que les tortues et les crocodiles partagent le mécanisme physique de formation des écailles suggère qu'il s'agit d'un trait ancestral, présent chez le dernier ancêtre commun du groupe. Cette recherche souligne le rôle actif de la physique dans la morphogenèse, le processus biologique qui permet à un organisme de développer sa forme.
Au-delà de son impact académique, cette étude ouvre des portes à des innovations technologiques. En comprenant comment la nature crée des structures complexes basées sur des règles physiques simples, des opportunités se présentent pour des avancées en biomimétisme, en médecine régénérative et en conception de matériaux. Cette recherche démontre comment le pliage mécanique peut façonner les motifs biologiques, offrant des solutions pratiques inspirées de la nature.