L'expression « du coup » est d'une fréquence déconcertante dans les conversations françaises. C'est un marqueur indéniable du français parlé contemporain, un véritable tic de langage pour certains.
Le linguiste Lotfi Abouda a minutieusement documenté son usage croissant. Son étude de 2022 révèle une évolution quantitative spectaculaire : seulement 5 occurrences recensées entre 1968 et 1971, contre 141 depuis 2010.
Cette expression est tellement spécifique à la France qu'elle sert de marqueur géographique pour les autres communautés francophones. Au Québec, elle identifie instantanément un locuteur français de l'Hexagone. Les enregistrements montrent que 67% des occurrences sont produites par des locuteurs âgés de 15 à 25 ans, ce qui en fait un phénomène générationnel.
Les linguistes préfèrent le terme de « marqueur de discours » à celui de « tic de langage ». Julie Neveux explique que ces expressions fonctionnent comme des « mots béquilles » qui « comblent un vide ». « Du coup » devient un marqueur méta-discursif, apparaissant souvent en début de phrase.
Roman Jakobson théorise cela comme la « fonction phatique » : des mots qui maintiennent le contact. « Du coup » entretient la connexion conversationnelle, structure la pensée et remplit les silences.
L'utilisation de marqueurs temporels signale l'appartenance à un groupe social. Le sociologue Erving Goffman a montré comment les interactions développent la « face ». « Du coup » fait partie de « l'idiome rituel », véhiculant une image de soi. Il aide à sauver la face et témoigne d'une maîtrise des codes du dialogue.
L'expression trouve ses racines dans le mot « coup », évoquant un choc et des événements inattendus.
Dans une société marquée par l'instabilité, cette sémantique du choc pourrait refléter une génération « frappée » par les événements. « Du coup » résonne avec l'imprévisibilité.
Peut-on parler d'une « insécurité linguistique » ? « Du coup » fonctionne comme une stratégie pour gérer l'imprévisible, donnant une illusion de continuité, même lorsque le lien logique est absent.
Son sens est flottant, mais ce « vide » est fonctionnel : il remplit, structure et rassure. Il relie un discours fragmenté par la discontinuité.
« Du coup » est plus qu'un tic de langage. C'est le miroir d'une époque déconstruite, d'une génération en quête de liens. Il exprime le besoin de réorganiser le monde.
En conclusion, « du coup » pourrait être l'expression linguistique d'une résistance à l'érosion du sens. Il révèle notre humanité : parler, c'est tisser des liens sociaux malgré l'incertitude. C'est un symptôme de créativité adaptative.